Bosch Jerôme, L'Escamoteur (1475-1480), analyse d'oeuvre

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L'Escamoteur

L'Escamoteur (Huile sur bois. 53x65cm. Musée Municipal de Saint-Germain-En-Laye) est l'un des tableaux les plus importants du peintre Jérôme Bosch   (né vers 1450, mort en 1516). Réalisé sur deux planches de chêne assemblées horizontalement, c'est une des premières scènes dites "de genre", c'est à dire reproduisant des laïcs dans l'univers réel. Jusquu'alors, en effet, les artistes se cantonnaient aux représentations mythologiques, religieuses ou historiques.

 

Le tableau montre un "escamoteur" (sorte d'illusionniste des rues qui pratiquait l'équivalent du jeu de bonneteau) en train de faire son tour devant un groupe de badauds. Ces derniers présentent un condensé de la société hollandaise de l'époque. Isolé à droite, le bateleur, que son origine sociale classe pârmi les marginaux, incarne en fait le monde réel, avec ses tromperies, ses artifices. Ses tours de passe-passe détournent les badauds de ce qui est important. En l'occurence le bourgeois qui, hypnotisé par le jeu, se fait subtiliser sa bourse par un complice du magicien. Il avale des grenouilles (on dirait aujourd'hui "avaler des couleuvres"). Le dupe pourrait être Jean Molinet, un chanoine prétentieux qui aurait eu maille à partir avec Bosch, à la cour des princes de Bourgogne.

 

A la fin du Moyen Âge, aux Pays-Bas, région qui connaît alors un grand essor commercial, la bourgeoisie prend conscience de son pouvoir sur la société. Le travail et son corollaire, l'argent, sont des valeurs montantes. Mais elles entrent en contradiction avec la culture religieuse, alors omniprésente, ici représentée par une nonne au regard désapprobateur, qui semble ne pas se laisser prendre au jeu. A l'époque, l'Eglise désapprouve le jeu et le gain facile. Bosch place donc une tête de chouette, symbolisant le mal, les choses obscures, dans le panier du magicien. Ce dernier tient dans sa main droite la boule de liège qu'il fera apparaître et disparaître sous les cônes.

 

Dans la composition du tableau, un axe vertical superpose l'enfant, qui se moque illustrant ainsi le proverbe médiéval : "Qui se laisse séduire des jongleurs perd son argent et devient la risée des enfants". Ensuite l'homme leurré, un badaud grimaçant et un personnage aux yeux levés vers le ciel. Par cette gradation, Bosch rejoint le philosophe Pascal, en montrant qu'il existe différentes clefs de lecture du monde : le regard du naïf et celui du censeur ne sont pas celui du saint...

 

L'oeuvre est à la fois moyenâgeuse (du fait de ses "diableries" : chouette, grenouilles, etc.) et moderne (par les personnages de la vie quotidienne). Le décor est volontairement neutre. L'espace est juste délimité par un mur. Le fait de ne pas ancrer la scène dans un lieu précis permet au peintre de donner une vision intemporelle de la société, d'insister sur une idée, un concept. L'Escamoteur a inspiré de nombreux tableaux et copies en tout genre.


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Commentaires: 2
  • #1

    Pierre Henri Biger (jeudi, 07 avril 2011 18:18)

    Bonjour ; depuis 2002, ce tableau n'est plus donné à Jérôme Bosch mais à son atelier (d'après un dessin antérieur de Bosch), et cvraisemblablement à Panhedel.
    Cordialement
    PHB

  • #2

    Mayliss (mardi, 14 avril 2020 10:19)

    Je ne comprend pas tout à fait