Balthus, La Fenêtre (1933), analyse d'oeuvre

La Fenêtre (1933)
La Fenêtre (1933)

Dans l’étrange et inquiétant tableau de Balthus intitulé La Fenêtre  (1933), figure une jeune fille assise sur le rebord d’une fenêtre. Elle fait un geste d’effroi, comme surprise par l’approche de quelque danger épouvantable. Ses vêtements, plutôt bigarrés, sont en désordre : son corsage, ébouriffé ou déchiré, laisse voir son sein gauche à nu. Sur son visage se lit une expression de peur mêlée de surprise, et elle lève la main droite, sans doute pour se protéger. Mais de qui? Et qu’a-t-il bien pu donc se passer, au point de manquer la faire tomber dans le vide? 

 

C’est une réelle frayeur qui tord le corps et le visage de la jeune fille sur le tableau. L’atmosphère générale est empreinte de cette inquiétante étrangeté qui est si caractéristique de l’œuvre de Balthus, un mélange surprenant de naïveté – voulue – et de perversité, un monde de l’enfance devenue trop tôt adulte, le conte qui se métamorphose en fable sadique sous nos yeux de spectateurs faits voyeurs complices par le peintre lui-même.

 

Dans La Fenêtre, le viol est cependant plus symbolique que réel : le viol redouté est un viol optique, un dévoilement opéré par le peintre qui, par le biais de cette petite comédie, a réussi à délivrer le visage de son masque, à produire un véritable sentiment d’effroi pudique chez cette jeune adolescente encore si enfant, qui laisse transparaître la maturité de la femme. Balthus montre ce qui nous gêne et ce qui réveille en nous des peurs et des fantasmes enfouis, tel le "vilain grand méchant loup" des contes et comptines. 

 

Balthus, n’hésite d'ailleurs pas à faire allusion à Sade pour décrire sa toile

 

"La jeune fille, dit-il, qui est une petite Péruvienne excessivement laide, mais une de ces laideurs pleines de poésie enfantine, porte un costume assez fantastique et sans époque, et tout le personnage offre un contraste très étrange avec l’entourage assez banal mais qui, par la vertu même de ce contraste, prend un côté insolite et assez angoissant. Le tout est assez curieux, l’atmosphère, peut-être un conte de Sade, ..."

 

(lettre de Balthus à son père Eric Klossowski du 31 août 1933).


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