Gauguin Paul, La Vision du sermon (1888), analyse d'oeuvre

La vision du sermon 1888 paul gauguin
La Vision du sermon (1888)

Ce qui frappe, avant tout, c'est la couleur rouge sang qui imprègne l'herbe. Que vient faire du vermillon ici ? La teinte est complètement arbitraire ! Paul Gauguin laisse ses émotions guider le choix de la couleur. C'est là l'une des ruptures que provoque ce tableau : la réalité n'est plus représentée telle qu'elle est ou telle qu'elle est perçue, mais telle qu'elle est ressentie. Quand l'artiste peint cette toile en 1888, il est déjà le chef spirituel de l'école de Pont-Aven, dont il établit ici les principaux codes. Sur le fond, il s'intéresse au folklore et aux rites magiques bretons. Sur la forme, il crée des patchworks mêlant ses influences. La perspective plongeante ? Inspirée par les arts décoratifs japonais. Les traits noirs cernant les personnages ? Copiés sur les vitraux religieux...

 

"La nouveauté de cette toile, c'est de montrer un monde où se mêlent réel et surnaturel, les paysannes et ce qu'elles imaginent, c'est un pas décisif pour la peinture symboliste". Dans ce tableau où se mélangent sacré et profane, la scène de lutte semble plus violente que chez Rembrandt ou Delacroix. Cette bagarre évoque plutôt les lutteurs japonais ou breton. La vache (en haut à gauche) renvoie peut-être au trophée traditionnel offert aux gagnants lors des tournois de lutte en Bretagne. Et comme dans les estampes japonaises, l'effet de perspective est annulé, ici par un tronc couché, qui coupe la scène en deux dans la diagonale de la toile. L'espace est même "verticalisé" par la simple superposition des plans : Les Bretonnes de dos, au premier plan, les lutteurs, la vache et les autres paysannes ensuite. Enfin, à l'exemple des estampes, la couleur rouge domine.

 

Paul Gauguin et les peintres de Pont-Aven mêlent donc dans leurs influences estampes, images d'Epinal et vitraux gothiques. D'où les cernes noirs qui découpent les Bigoudènes sur fond carmin. Gauguin innove aussi en simplifiant les formes à l'estrême et en laissant ses sensations guider le choix des couleurs (l'herbe rouge), toutes posées en aplat. En amalgamant les styles et en épurant sa palette, l'artiste crée une toile révolutionnaire, fondatrice du synthétisme. Ce tableau est un attentat contre le courant qui domine à l'époque : l'impressionnisme et ses minutieuses petites touches colorées.


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