Felix Nussbaum - Selbstbildnis mit Judenpass (Autoportrait au passeport juif)

Félix  Nussbaum - 1943 (Autoportrait au passeport juif)
Félix Nussbaum - 1943 (Autoportrait au passeport juif)

Cette huile sur toile (56 x 49 cm) a été réalisée en 1943 par Félix Nussbaum (1904-1944), un Allemand de confession juive. A cette époque, il s’est réfugié en Belgique pour échapper au génocide. Elle est conservée dans la maison de F. Nussbaum à Osnabrück en Allemagne. Le peintre s'est représenté de trois-quarts, le visage fermé (émacié et mal rasé) dans une ambiance très sombre et dramatique (ciel noir menaçant et oiseaux noirs de mauvais augure), il semble bloqué dans une ruelle entre deux murs gris sans échappatoire (sauf peut-être l'arbre de l'autre côté du mur pointant vers le petit bout de ciel bleu pouvant représenter une échelle permettant de s’évader... Vers un monde plus libre), des murs qui pourraient rappeler les murs des ghettos dans lesquels les juifs étaient parqués, sûrement sur le point de se faire contrôler (il présente sa carte d'identité expirée depuis longtemps et qui prouve donc qu'il est recherché) et on voit même dans son regard dirigé vers le spectateur comme si c'était nous qui lui demandions ses papiers, qu'il a extrêmement peur de se faire arrêter.

 

Et il a sûrement raison quand on voit l’immeuble derrière le mur laissant apparaître trois fenêtres: Elles représentent une menace (derrière chacune peut se cacher un dénonciateur). D'ailleurs sa tenue vestimentaire (grand manteau beige avec le col remonté et chapeau gris sur la tête) semble indiqué qu'il souhaitait le moins possible qu'on puisse le remarquer malgré étoile de David cousue sur son manteau, que les Juifs devaient obligatoirement porter durant la guerre pour être facilement identifiable par les membres de la Gestapo. Mais justement par rapport à la présence de cette étoile dans le tableau, si on regarde bien les détails de sa carte d'identité, on peut observé que son lieu de naissance, (Osnabrück), a été effacé au point d’en devenir illisible et que son pays de naissance Allemagne a été supprimé et qu'à la place on peut y voir écrit "sans nationalité". De même en rouge et en lettres capitales, Juif est écrit en deux langues (français et néerlandais), ce qui indique que la scène dépeinte se déroule alors qu'il est réfugié en Belgique. Et que donc, dans l’Europe occupée jamais on ne l'aurait obligé à porter cette étoile.

 

Par la présence de cette étoile, le peintre a sûrement voulu souligner qu'il n'était plus considéré aux yeux du monde que comme un juif, un apatride (sans nationalité), un presque sans-nom car comme on peut le voir en regardant de plus près sa carte d'identité, son prénom et son nom commence à s'effacer. Le peintre insiste là sur la perte de l’identité, qui est au cœur du processus de déshumanisation voulu et orchestré par le pouvoir nazi. JUIF qui y est inscrit en lettre capitale et en rouge vif renforce cette idée, une couleur qui rappelle bien évidemment le sort qui était réservé à ce peuple: Raflés, internés et exterminés dans des centres de mise à mort. D'ailleurs Félix Nussbaum qui se cachait à Bruxelles (passant son temps entre un atelier et une cachette dans un grenier) avec sa femme Felka Platek (une artiste juive polonaise) après s'être évadé du camp Saint-Cyprien dans le sud de la France en 1940, sera arrêté sur dénonciation par la Gestapo à Bruxelles le 21 juin 1944. Transporté à Auschwitz, il y sera assassiné avec son épouse le mois suivant. Il avait pu mettre à l’abri ses toiles chez deux amis.

 

"Si je meurs, ne laissez pas mes peintures sombrer avec moi, montrez-les aux hommes". Félix Nussbaum.


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